Entre les flots irisés et les replis herbeux des Apennins, la Ligurie compose un tableau où les façades pastel se mirent dans l’eau pendant que les mortiers embaument le basilic fraîchement cueilli. Derrière cette carte postale se cache un territoire minutieux qui hisse ses oliviers en terrasses et sert son identité dans une focaccia encore tiède, un pesto couleur jade, un verre de Vermentino qui accroche la lumière. Cap sur cette fine bande de terre où chaque bouchée raconte la même histoire d’équilibre, de patience et de gourmandise à partager.
Un littoral lumineux
Gênes et les villages colorés
Gênes joue les funambules entre mer et collines. Depuis la Lanterna, l’œil suit les toits d’ardoise, plonge dans le port où les bateaux mouillent contre les palais Renaissance, puis s’égare dans les caruggi, ces ruelles si étroites que deux effluves dominent, le café et la focaccia toute chaude. À quelques encablures, le décor devient carte postale : les façades pastel des Cinque Terre se serrent l’une contre l’autre, comme pour mieux capter la lumière qui rebondit sur l’eau turquoise.
À Riomaggiore, Vernazza ou Manarola, la vie quotidienne tient dans un nuancier d’ocre et de corail. Les pêcheurs rafistolent leurs filets au pied des rochers, les vignerons hissent les cagettes de raisin sur des monorails improbables, les randonneurs suivent le parfum des herbes sauvages qui colonisent les murets en pierres sèches. Tout ici paraît suspendu entre ciel et mer, dans un équilibre que les habitants protègent jalousement.

Une terre d’huile d’olive et de basilic
Dès les premiers lacets au-dessus de la côte, les oliviers Taggiasca se succèdent en terrasses millimétrées. Leurs troncs torsadés racontent une histoire d’endurance : peu de terre, beaucoup de pierre, un soleil constant et la caresse du vent de mer. De ces fruits naît l’huile d’olive Riviera Ligure DOP, huile claire, presque sucrée, dont la finale évoque l’amande fraîche. Elle accompagne un simple pain, éclaire un poisson grillé et rappelle au voyageur que la douceur peut être une affaire de caractère.
Plus bas, sous serres ou à l’abri des haies, pousse le basilic génois DOP. Ses feuilles fines contiennent peu de menthol, beaucoup de linalol : le parfum est rond, presque laiteux. Piler ce basilic avec une goutte d’huile Taggiasca suffit à créer la base d’un pesto délicat, un geste repris avec élégance par Donna Mia lorsque la maison marie le condiment à une burrata crémeuse ou à de fines tranches de mortadella. Derrière le plaisir immédiat, un savoir-faire agricole se dévoile : des producteurs qui comptent leurs plants, un consortium qui protège chaque graine et l’assiette qui, d’un seul mouvement de fourchette, relie la terrasse ligure à la table du convive.
Les saveurs ligures
Le pesto, la focaccia, les légumes grillés
Le trio fonctionne comme une carte postale comestible. Dans le mortier, les petites feuilles de basilic génois DOP s’écrasent contre l’ail de Vessalico et les pignons italiens. Un filet d’huile Riviera Ligure vient lier la crème d’émeraude, tandis que Parmigiano Reggiano et Pecorino affûtent le goût. Le parfum est immédiat, légèrement sucré, sans la note mentholée trop vive des basilics d’ailleurs. Le geste importe autant que la recette : à la cuillère en bois, jamais au couteau, pour éviter l’oxydation.
À côté, la focaccia genovese sort du four, épaisse de deux doigts, pellicule croustillante, alvéoles pleines d’huile et de fleur de sel. Le matin, elle se trempe volontiers dans un cappuccino, l’après-midi elle accompagne un verre de Vermentino. Sur la côte, la version de Recco, plus fine, s’ouvre sur un cœur de stracchino encore coulant.
Quand la chaleur tombe, les jardins en terrasses livrent courgettes, poivrons, aubergines. Un simple passage sur la grille, un assaisonnement d’huile Taggiasca, d’origan sauvage et de quelques câpres suffisent. Les légumes prennent un accent fumé qui appelle une tranche de focaccia ou un tour de pesto, selon l’humeur.
Une cuisine de simplicité
Pas de maniérisme sur cette bande de terre entre montagne et mer. Le panier se vide aussi vite qu’il se remplit, dans la poêle ou sur la pierre chaude. On laisse parler la matière première : l’huile au goût d’amande, les herbes cueillies le matin, les poissons bleus débarqués à l’aube. Chaque plat répond à une logique de fraîcheur, de saison et de proximité.
Cette sobriété n’exclut pas la subtilité. Les Ligures dosent le sel avec l’air salin, équilibrent l’amertume des olives avec la douceur du basilic, rafraîchissent les grillades d’une giclée de Sciacchetrà. On ressort de table léger, le palais encore nappé d’huile douce et de parfums d’herbes, prêt pour une balade entre les murets de pierres sèches.

Une identité entre mer et montagne
Des recettes légères et parfumées
La cuisine ligure se nourrit de son relief escarpé. Les terrasses qui descendent vers la mer offrent un basilic délicat, des olives Taggiasca gorgées de soleil, des vignes accrochées à la roche. Dans l’assiette, ces trésors se traduisent par des préparations sobres : un filet de poisson juste poêlé, arrosé d’huile douce et d’un zeste de citron, des herbes fraîches ciselées au dernier moment. Le gras inutile est banni, la cuisson reste brève pour laisser le parfum des produits parler seul.
Les farines de légumineuses ajoutent une touche rustique sans alourdir. Une part de farinata, fine galette de pois chiche, suffit à caler une fringale après la plage. On la croque brûlante, le bord croustillant, un filet d’huile cru pour la rondeur. Même esprit pour les pansotti, ravioli de campagne farcis de ricotta et de plantes sauvages : la pâte est fine, la farce herbacée, la sauce souvent simple, noix pilées et eau de cuisson. Léger, parfumé, franchement vivant.
Une inspiration méditerranéenne
Coincée entre la Provence et la Toscane, la Ligurie a pioché à droite et à gauche sans perdre son âme. Les marins rapportaient des agrumes, des épices, des câpres qui se sont glissés dans les marinades de poisson ou dans le brandacujùn, morue écrasée à l’huile et au persil. Les marchés côtiers regorgent de tomates charnues, de courgettes violon, de fleurs de courge que l’on fait simplement sauter avec de l’ail de Vessalico. Tout respire la Méditerranée, mais avec cette fraîcheur végétale qui signe la Ligurie.
- Anchois de Monterosso, salés une heure puis confits dans l’huile, servis avec un verre de blanc Cinque Terre.
- Corzetti estampillés, pâtes en médaillon parfumées à la marjolaine, souvent nappées d’une sauce pignons marjolaine.
- Stoccafisso accomodato, cabillaud séché aux olives et aux pommes de terre, clin d’œil aux influences ibériques arrivées par la mer.
Entre embruns et senteurs de garrigue, le répertoire ligure mêle chaque jour sel marin et chlorophylle. Une identité tendue comme un pont entre crêtes apennines et vagues ligustiques, toujours tournée vers la lumière du large.
La Ligurie chez Donna Mia
Le pesto à l’honneur
Chez Donna Mia, le pesto alla Genovese ne sort jamais d’un pot. Le basilic arrive tous les matins encore perlé de rosée, les feuilles passent aussitôt dans le mortier, caressées par une huile Taggiasca douce et amandée. Pignons italiens, duo Parmesan – Pecorino, une pointe d’ail de Vessalico, un tour de poivre, rien de plus. Cette crème verte, fouettée à la main, conserve ses parfums volatiles et une couleur jade éclatante.
On la retrouve dans le Pesto alla Genovese e Mortadella, une assiette signature où la rondeur charcutière répond aux notes herbacées. Pour les puristes, les trofie torsadées nagent dans un pesto servi tiède afin de ne pas brusquer le basilic. Un filet d’huile d’olive cru au moment du dressage rappelle la mer scintillante le long des Cinque Terre.

Des assiettes ensoleillées et végétales
La Ligurie est une terre de jardins et de terrasses agricoles, Donna Mia en célèbre l’esprit dans des créations légères. Les Linguine Pomodoro e Burrata marient tomate datterino, basilic frais et burrata crémeuse, un trio simple qui respire le marché du matin. Le chef grille aussi des courgettes et des poivrons rouges, les assaisonne de citron confit et d’herbes sauvages du type preboggion, clin d’œil aux collines qui dominent la Riviera.
En accompagnement, une focaccia moelleuse, juste nappée d’huile d’olive et de fleur de sel, invite à saucer jusqu’à la dernière goutte. Anchois marinés, olives Taggiasche et roquette poivrée complètent ces assiettes « soleil » où la viande se fait oublier, sans que la gourmandise en pâtisse. Une cuisine de vacances permanentes, à partager autour d’un verre de Vermentino frais.
Entre la lumière des Cinque Terre et l’ombre fraîche des caruggi, la Ligurie déploie une cuisine franche où huile Taggiasca, basilic génois et focaccia tissent un fil direct entre terrasses de pierre et eaux turquoise. Emporter cette simplicité chez Donna Mia ou lors d’une escapade sur la Riviera revient à protéger un savoir-faire dont chaque cuillerée de pesto raconte l’endurance d’un peuple accroché à sa côte. Et si la plus belle manière de voyager demain consistait justement à soutenir ces gestes patients, à lever son verre de Vermentino pour célébrer les producteurs qui font vibrer le goût de la mer et des collines ?
Petite leçon d’Italie
Anecdote : Le secret du vrai pesto.
À Gênes, le pesto se prépare au mortier, lentement, dans un parfum d’ail et de basilic frais. On dit que le mixeur “brûle” les feuilles et en tue la saveur. Le vrai pesto, lui, respire la patience et la mer.