À mi chemin entre Alpes acérées et Adriatique miroitante, le Frioul fait tomber les cloisons, mêlant chalets carniques, palais austro hongrois et ports aux reflets d’iode. Ce croisement de routes et de saisons nourrit une cuisine directe, suspendue entre prosciutto soyeux, vins blancs lumineux et raviolis parfumés d’herbes de montagne. Cap sur cette terre de passages où chaque bouchée raconte une frontière mouvante, toujours prête à s’inviter à notre table.
Une région de frontières et de métissages
Entre Italie, Autriche et Slovénie
Un ruban de terre large d’à peine cent kilomètres relie les sommets carniques et juliennes à la mer Adriatique. Sur cette coulée verte et bleue, les douanes se succèdent : Tarvisio tutoie les chalets autrichiens, Gorizia s’ouvre d’un pas sur la Slovénie, Trieste regarde vers la Vénétie et les Balkans. L’œil décèle les influences mêlées dans une fenêtre Art nouveau, un campanile de brique ou un café au marbre jauni. Les dialectes changent d’une vallée à l’autre, entre frioulan chantant, accents germaniques et sonorités slaves. Ce croisement géographique façonne un terroir qui réunit herbes alpines, sel marin, vignobles en amphithéâtre et forêts profondes.

Une identité plurielle
Le Frioul cultive l’art de marier les contraires. Dans la même journée, on passe d’une soupe jota fumante à une friture de petits poissons de Grado, d’un vin orange né sur les pentes d’Oslavia à un blanc cristallin de Colli Orientali. Les mosaïques d’Aquilée, les pierres lombardes de Cividale et les palais austro-hongrois de Trieste racontent déjà ce métissage, mais c’est à table qu’il devient le plus tangible. Prosciutto di San Daniele tranché comme un voile, fromage Montasio fondu dans un frico croustillant, gnocchi sucrés-salés des montagnes, raifort râpé pour réveiller une charcuterie, autant de recettes héritées des trois horizons voisins. Cette pluralité résonne dans une planche conviviale où l’Italie rencontre l’Europe centrale, un élan que l’équipe de Donna Mia aime partager en mariant terre et mer avec simplicité.
Les spécialités du Frioul
Prosciutto di San Daniele et vins blancs
San Daniele se niche là où la fraîcheur alpine caresse l’air de l’Adriatique. Ce courant unique sèche et parfume le jambon comme nulle part ailleurs. Les 31 maîtres affineurs laissent le temps faire son œuvre, souvent plus de treize mois, jusqu’à obtenir une chair rose pâle, légèrement brillante, au goût de noisette. Servi en rubans presque translucides, le prosciutto se déguste idéalement à température ambiante, juste posé sur une planche avec un morceau de pain croûté ou un copeau de Montasio.
Côté verres, la région répond par des blancs à la personnalité lumineuse. Un Friulano pour l’amande douce, une Ribolla Gialla pour la vivacité, un Sauvignon qui joue sur les herbes fines, ou encore un Pinot Grigio ample et soyeux. L’acidité fraîche équilibre le gras du jambon, pendant que les arômes floraux prolongent sa finale légèrement sucrée. À l’heure de l’apéritif, on retrouve ce duo dans les osmize des collines de Trieste, tavernes éphémères où l’on sert la production familiale sans autre artifice que la bonne humeur.
Une cuisine équilibrée et subtile
Entre mer, montagne et plaines, le Frioul cultive l’art de l’équilibre. Les assiettes misent sur quelques ingrédients choisis, travaillés simplement pour laisser parler la matière. Une polenta jaune soleil, un filet de poisson de l’Adriatique, un filet d’huile d’olive Tergeste, et l’on obtient déjà un contraste doux-iodé irrésistible. Même logique pour les pâtes maison : farce discrète, herbes fraîches, touche de fromage affiné, le goût reste net, jamais masqué.
La subtile alliance sucré-salé imprègne aussi les recettes, à l’image des cjarsons, petits raviolis garnis de ricotta, épices douces et fruits secs, nappés d’un beurre noisette. Les potagers fournissent légumes et herbes, la forêt voisine offre champignons et fruits rouges. Le résultat ? Une cuisine nourrissante sans lourdeur, qui fait la part belle aux parfums, respecte le rythme des saisons et se partage autour de grandes tables, dans une convivialité tout sauf feinte.
Les influences d’Europe centrale
Les herbes, le gibier, les pâtes rustiques
Entre hêtraies et pâturages, la cueillette rythme la saison. Achillée, ortie, livèche ou baies de genévrier parfument les marmites, rappelant l’Autriche voisine. Ces herbes rejoignent les cjarsons, ravioli plissés où s’entremêlent herbes fraîches, raisins secs et cannelle, ou se glissent dans une jota dense de haricots et de choucroute, relevée d’un trait de raifort. Le paprika, arrivé par la route de Pannonie, colore un goulasch frioulan que l’on sert sur une polenta fumante.
Le gibier ne manque pas. Chevreuil, sanglier ou chamois mijotent dans un rouge léger du Collio, puis se marient à des blecs de sarrasin, rubans de pâte rustique hérités des fermes carniques. Les saveurs restent franches, le gras tempéré par l’acidité des baies de sureau ou le parfum du foin de montagne. Chaque assiette raconte la même histoire : celle d’un territoire alpestre qui a toujours regardé vers Vienne autant que vers Venise.

Une gastronomie d’altitude et de mer
La géographie resserrée du Frioul fait se frôler cimes et vagues. Au déjeuner, une trattoria d’altitude sert un bouillon clair au cumin puis un frico aux herbes alpines. Le soir, à moins d’une heure de route, la côte aligne scampi de la lagune, calamars farcis et sardines marinées. Le balsamique blanc remplace parfois le vinaigre, la sauge de montagne relève une seiche grillée : l’échange est constant, presque naturel.
Cette dichotomie nourrit une cuisine du contraste. Le fromage d’alpage accompagne les palourdes, la chapelure de lard fumé croustille sur des tagliatelles d’encre et le beurre de montagne adoucit une anchois en crostino. Altitude et Adriatique ne s’opposent pas, elles se complètent, offrant une palette qui va de l’iode franc à la douceur lactée. Voilà peut-être la signature la plus intime du Frioul : une table de passage, attentive aux vents du nord comme aux embruns du sud.
Le Frioul chez Donna Mia
Une élégance simple et sincère
Chez Donna Mia, la table s’ouvre souvent par une grande planche en bois d’olivier. S’y croisent la transparence rosée du Prosciutto di San Daniele, des copeaux de Montasio affiné et quelques pétales de polenta grillée. Rien d’ostentatoire, juste la précision du geste et la fraîcheur des produits. Le service, léger, raconte les montagnes, la lagune et les collines viticoles sans discours inutile : une portion soigneuse, un verre bien choisi, un sourire.
La vaisselle en céramique locale rappelle la simplicité des osterie frioulanes. On retrouve la même ligne claire dans le dressage : couleur sobre, herbes sauvages cueillies le matin, filet d’huile d’olive Tergeste. L’élégance vient d’abord du respect du produit, le reste n’est qu’accompagnement discret.
Des saveurs entre terre et mer
Le Frioul vibre quand les assiettes mêlent iode et sous-bois, Donna Mia en fait son rythme. Une burrata coiffée de truite fumée du Tagliamento, un risotto perlé au jus de couteaux relevé d’un trait de raifort, un cjarsons maison où la ricotta fumée dialogue avec une compote douce de poire et de cannelle. Chaque bouchée évoque la frontière mobile entre Adriatique et Alpes.
Côté verres, le duo Friulano et Ribolla Gialla se taille la part belle. Le premier accompagne la charcuterie, le second soutient coquillages et crustacés. Pour les plus curieux, un orange wine du Collio prolonge ces accords en apportant des notes d’abricot sec et de thé noir. Terre, mer, verre : trois syllabes qui signent la promesse d’un moment franc, sans détour, à l’image du Frioul.
Le Frioul rappelle qu’une table peut faire tenir montagnes, lagune et frontières dans un même souffle, avec la simplicité d’un prosciutto soyeux ou d’un cjarsons parfumé. Une gorgée de ribolla gialla referme le voyage mais ouvre un horizon : et si la prochaine frontière à franchir se trouvait tout simplement dans votre assiette ? Donna Mia vous y attend, prête à raconter la suite de cette odyssée gourmande.

Petite leçon d’Italie
Anecdote : Le premier verre pour l’amitié.
À Cividale del Friuli, la coutume veut que le premier verre de vin soit porté à l’amitié, le second à la santé. “Il primo per l’amico, il secondo per il cuore.” Ces toasts résument l’esprit frioulan : la convivialité avant tout, et le vin comme lien entre les âmes.